D’origine iranienne, Hamid est arrivé en France en 1976 pour faire ses études de journalisme. Il ne savait pas alors qu’il allait définitivement s’installer à Besançon pour y passer le reste de sa vie. Un an à peine après son arrivée, il rencontre en effet celle qui allait devenir sa femme et la mère de ses enfants. Entre un retour dans un pays natal en plein conflit armé et l’expatriation pour fonder une famille loin des turpitudes de la guerre, il opte pour le métier de grand reporter avec Besançon pour point d’attache. Mais à la naissance de sa première fille, en 1987, Hamid décide de poser ses valises pour consacrer plus de temps à sa famille. Fils d’écrivain, il a toujours baigné dans la littérature et la poésie. Il abandonne donc son métier de journaliste pour ouvrir une librairie en face de la faculté de lettres de Besançon et à côté du centre de linguistique appliquée de la ville. « Autrement dit, je suis entouré d’étudiants et au départ, nous vendions essentiellement des livres universitaires », précise Hamid. « Depuis, nous avons étendu notre gamme à la littérature classique, aux livres d’arts ou encore aux ouvrages régionalistes et aux livres d’occasion. Mais le vrai succès de notre réussite réside dans l’adoption de la vente en ligne dès la fin des années 1990 ».

Composer avec un monde qui change

« On peut le regretter, mais il faut regarder la réalité en face du monde d’aujourd’hui », poursuit Hamid. « Quand un étudiant sort de cours, son premier réflexe est de pianoter sur son smartphone et quand il a besoin d’un livre, il cherche d’abord sur Internet, qu’il ait une librairie à portée de main ou pas. Nier cette évidence, c’est se voiler la face et, en tant que libraire, mon devoir est de m’adapter aux habitudes de consommation de mes clients. S’ils sont sur Amazon, il est normal que j’y sois aussi ».

Quand un étudiant sort de cours, son premier réflexe est de pianoter sur son smartphone et quand il a besoin d’un livre, il cherche d’abord sur Internet. En tant que libraire, mon devoir est de m’adapter aux habitudes de consommation de mes clients. S’ils sont sur Amazon, il est normal que j’y sois aussi
Hamid Kaighobadi, propriétaire de la Librairie à la page

Pragmatique, Hamid a commencé à vendre sur Amazon au début des années 2000. Il vend ses ouvrages essentiellement en France, mais il compte aussi quelques clients à l’étranger, notamment en Chine et au Japon. Sa « Librairie à la Page » réalise aujourd’hui 62% de son chiffre d’affaires sur Internet, dont plus de la moitié sur Amazon.

« J’ouvre ma librairie à 9h. Le premier client arrive rarement avant 10h30. Pendant ce laps de temps, je vends une dizaine de livres sur Amazon. J’en vends même la nuit ! », explique-t-il. À près de 70 ans et après une belle carrière dans l’univers du livre, Hamid n’envisage pas encore de prendre sa retraite. Il aime son métier de libraire qui lui permet d’assouvir sa passion pour la littérature. Au passage, il préserve aussi l’emploi de sa salariée.

Sauvé par la vente en ligne

Internet a sauvé ma librairie

Impactée comme beaucoup d’entreprises par la crise sanitaire, la Librairie à la Page a dû fermer pendant le premier confinement de 2020. Pour autant, elle n’a pas cessé ses activités. « Contrairement à beaucoup de mes concurrents, j’ai continué à vendre sur Internet et tous les jours j’ai empaqueté pour livrer mes commandes. J’ai ainsi pu payer mon loyer, mes charges sociales et le salaire de mon employée. J’ai même pu lui verser une prime pour la remercier de son implication ». Pendant le second confinement, Hamid a également continué à vendre en ligne tout en proposant un système de click & collect à ses clients. « Comme dans bien des secteurs, notre chiffre d’affaires a bien entendu chuté. Mais sans Internet, j’aurais déjà pris ma retraite car nous n’existerions plus », souligne Hamid.

Bien ancré dans la réalité de son monde, Hamid est persuadé que l’avenir des librairies passe forcément par Internet : « Nous n’en sommes qu’aux débuts du monde numérique et du commerce électronique. La tendance va s’accentuer. Nous devons nous adapter et profiter des enseignes qui ont pignon sur rue dans l’univers numérique pour rebondir et sauver nos librairies ».