Sophie a été « responsable d’applications » dans le secteur de la banque pendant une dizaine d’années avant de devenir professeure au lycée Saint-Sauveur à Redon (35). Elle en garde un souvenir mitigé. « Au bout de 10 ans et après deux enfants, j’ai subi le plafond de verre, explique-t-elle. J’ai profité du congé parental de mon troisième enfant pour réfléchir à mon avenir et c’est là que j’ai eu l’opportunité de devenir enseignante en informatique de gestion. J’ai tout de suite adoré : je prends un plaisir fou à transmettre ».

Forte de cette expérience, Sophie est forcément très impliquée quand il s’agit d’apprendre les sciences du numérique aux femmes. « L’informatique est conçue et réalisée par les hommes. J’en veux pour preuve le fait que la première application de suivi des règles, soit quelque chose de très basique du point de vue informatique, est arrivée 10 ans après la généralisation des smartphones alors qu’on avait déjà des Apps pour suivre son rythme cardiaque, faire son jogging, etc. Au-delà des injustices, cette désertion des femmes pose de véritables problèmes aujourd’hui, notamment dans le domaine de l’IA (Intelligence Artificielle) avec des biais inhérents à une pensée trop masculine ».

Attirer les jeunes filles vers l’informatique

Professeur en BTS SIO (Services Informatiques aux Organisations) et auprès des Premières et Terminales qui ont choisi l’option NSI (numérique et sciences informatiques), Sophie a tout de suite vu dans la boite à outils Yes We Code!, proposée par la Fondation CGenial en partenariat avec le programme Amazon Future Engineer, l’occasion de faire d’une pierre deux coups ! « Le lycée compte une centaine de filles en internat à qui nous proposons des ateliers le mercredi après-midi. Une partie d’entre elles est en seconde et n’a pas encore choisi de spécialité pour l’année suivante, explique-t-elle. J’ai donc lancé un défi à mes élèves de BTS, leur proposant de créer des supports d’ateliers à partir des outils dans la boite Yes We Code ! pour susciter l’appétence et l’intérêt de ces jeunes filles pour l’informatique ».

Munis du kit et d’une carte blanche, les élèves de BTS avaient trois jours pour imaginer un projet. « Ils m’ont surpris », avoue Sophie. « Pendant trois jours, ils ont codé, collaboré et produit des supports sans jamais se laisser démoraliser par les échecs. En cours traditionnel, les élèves ont tendance à se bloquer quand ils font une erreur. Là, non. Ils revenaient sur le code, corrigeaient les problèmes et repartaient de plus belle. Leur implication a été telle, qu’ils ont souhaité porter leur projet jusqu’au bout en animant eux-mêmes les ateliers auprès des jeunes-filles ».

L’apprentissage par l’expérimentation

Pour Sophie, l’expérience a été d’autant plus enrichissante qu’elle estime que la pugnacité fait partie des qualités qu’un informaticien doit avoir. « Le kit Yes We Code ! est prévu pour les lycéens, pas pour les post-BAC, reconnait-elle. Mais j’ai trouvé très intéressant de sortir mes élèves de BTS des enseignements académiques avec un projet qui a notamment favorisé le développement de la cohésion de groupe. Au passage, certains élèves dont la motivation était en berne ont retrouvé le goût de cette mécanique de ‘l’essai jusqu’à ce que ça marche’, essentielle en programmation ».

Pour Sophie, la recette de ce succès réside dans l’aspect ludique du kit Yes We Code ! avec des objets que les élèves peuvent manipuler. « Ce n’est plus l’enseignant qui met le doigt sur l’erreur, c’est la voiture qui avance ou qui n’avance pas », indique-t-elle. « Cet apprentissage par l’erreur a été un véritable levier d’implication ».

Prochaine étape, Sophie prévoit d’utiliser les supports réalisés par ses BTS en avril, au cours des ateliers du mercredi après-midi avec les étudiantes de Seconde. « En proposant aux élèves de BTS d’imaginer un contenu pour exploiter ce kit, j’espérais aussi arriver à des idées d’atelier plus en phase avec les préoccupations des étudiantes de Seconde, vu qu’il n’y a que trois ans de différence entre ces deux classes. Et force est de constater que je n’aurais probablement pas eu toutes ces idées. Malheureusement, sur 33 élèves en BTS, trois seulement sont des filles. Autant dire que je vais devoir retravailler un peu certains contenus pour les adapter à une audience féminine », plaisante Sophie.

En attendant, elle a déjà d’autres projets, dont la formation de ses collègues au kit Yes We Code ! de façon à leur permettre de mettre en place de nouvelles expérimentations et ainsi contribuer au développement de nouvelles vocations autour des sciences du numérique au lycée Saint-Sauveur.